Un peu d’air, enfin. Je m’étais agitée toute la journée pour aider à effectuer les différentes corvées qui permettaient de faire tourner le Manoir. D’abord aux cuisines, pour commencer à préparer le buffet du soir, puis au nettoyage des sols, pour faire briller tous les parquets de la maison close. Ereintée, je décidai de profiter du petit temps libre qui me restait avant de prendre mon service du soir. J’étais repassée dans la chambre pour quitter les vieilles fripes avec lesquels j’avais travaillé et passer une tenue plus présentable.

Pour ne pas perdre trop de temps, j’avais passé directement les sous-vêtements qui me suivraient pendant toute cette nuit – un ensemble de bas, porte jarretelle et soutien-gorge noir rehaussé de quelques fils d’argents-. Mais plutôt que de revêtir tout de suite le déshabillé qui allait avec, j’avais décidé de mettre une petite robe simple qui me permettrait d’aller et venir dans le parc vêtue de façon décente, avant le début de la soirée.

J’aimais bien le parc qui bordait les alentours du Manoir. Moi qui avais toujours aimé la nature et le contact du grand air, ce petit coin de verdure était un substitut des prairies et des champs de mon enfance. Je me souviens encore du temps où ma sœur, Gabrielle mon amie de toujours, et moi, allions courir dans les prés et cueillir des fleurs pour les tresser en couronne, sous l’œil vigilant de notre gouvernante. Enfin, trêve de souvenirs et de réminiscences, désormais j’étais au Manoir et j’y resterai pendant un certain temps.

Voilà qu’une semaine s’était écoulée depuis que j’ai franchi les portes du Manoir pour la première fois. Que dirait ma pauvre mère si elle apprenait que sa plus jeune fille avait reçu son premier client entre ses cuisses il y a quelques jours de cela ? Elle en serait guère enchantée j’en suis sûre… Mais ainsi va la vie comme on dit, et mon futur était au Manoir. Maison close réputée, l’établissement m’a permis d’éviter une vie de vagabondage entre les bras de différents amants sensés m’entretenir. Si ma condition n’était pas celle de mon rang, petite bourgeoise de province, j’avais le gîte et le couvert, et je pouvais séduire. Un jeu de séduction faussé évidemment, comme les hommes payaient pour me tenir compagnie pendant quelques heures, mais j’aime le sentiment d’avoir un homme à ma merci, esclave de son désir, totalement dépendant de mes caresses.

C’est sur cette réflexion que je m’étais assise sur un banc du parc, les cheveux au vent, dos aux grandes grilles su Manoir. Il ne faisait pas froid ce soir-là, bien que la brise rafraichisse un peu l’atmosphère de cette douce soirée de printemps. Je réfléchissais à mon second client, le client qui viendrait honorer ma couche ce soir. Si la dernière soirée dans les bras du Marquis s’était bien déroulée, personne ne pourrait dire ce qu’il en adviendrait aujourd’hui. J’espère surtout que je ne faillirai pas à ma tâche, pour contenter les Boldwin qui m’avaient engagée depuis peu.

Perdue dans mes réflexions, je n’entends pas un homme arriver par les grilles du Manoir et arriver derrière moi. Je ne peux réprimer un hoquet de surprise lorsqu’une main se pose sur mon épaule.

Surprise en flagrant délit de rêverie. Cet homme, qui est-il ? Je ne connais presque personne ici, j’ai seulement croisé une ou deux autres apprenties, quelques clients habitués des lieux, et la gouvernante. Je lève mes yeux azurs vers cet homme, qui croisent les siens d’une couleur plus sombre. Est-ce un employé du Manoir, un mignon, ou alors un client ? Quelle que soit la réponse, j’ai comme l’impression de ne pas être au bon endroit au bon moment. Le temps est passé si vite, je ne m’en suis même pas aperçue. Aucun moyen de savoir quelle heure il est, mais je devrais probablement être en train de finir de me préparer pour recevoir les clients de la nuit, ou même peut-être les déjà les attendre dans le hall…

Je ne sais pas trop quoi répondre, je n’arrive pas à déceler dans sa voix si c’est un commentaire bienveillant ou les prémices d’une réprimande. Si c’est un mignon, bien qu’il n’en ait pas l’air, alors je suis sauvée, je lui dirai que je suis nouvelle et je ne pense pas qu’il irait le rapporter aux patrons du Manoir. Par contre si c’est quelqu’un qui travaille ici, cela devient plus problématique. Il risque de penser que je suis une tire-au-flanc et je ne ferai pas bonne impression, surtout si il le rapporte à la gouvernante Hooper. Elle qui m’a plutôt à la bonne, puisqu’elle m’a aidé à me préparer l’autre soir, elle risque de ne plus avoir la même image de moi ! Surtout que Madame Boldwin avait bien précisé qu’elle ne pouvait supporter les paresseuses.

Si c’est un client, c’est assez gênant aussi. A ce que je sache, sauf mention spéciale, ils ne sont pas censés rencontrer leurs compagnes du soir ici, hors des murs de la maison, dans les jardins. Mais à vrai dire je n’en suis pas tout à fait certaine non plus…

Incapable de statuer, je tente une réponse passe partout en souriant.

« Bonsoir Monsieur, je me suis égarée dans mes pensées, j’allais justement rentrer. »

La main puissante sur son épaule m’intimide un peu. Cet homme dégage quelque chose de particulier. Est-ce dû à sa carrure un peu anguleuse ? Je ne sais pas trop. Il a beaucoup de charme mais je me dis que je n’aimerai pas le rencontrer tard dans la nuit dans une ruelle sombre. Décidemment je ne pense pas qu’il soit un mignon du Manoir. D’après la façon dont on me les a décrit, ils ont en général l’air moins virils que lui.

Pour en avoir le cœur net, j’ajoute : « Je suis enchantée de faire votre connaissance, nous ne nous sommes encore jamais croisés. Qui êtes-vous Je m’appelle Roxane. ? »

Je pivote sur le banc pour me retrouver assise face à lui. Je préfère jouer la carte du charme pour ne pas me faire gronder s’il s’agit d’un employé ou d’un rabatteur, il paraît qu’ils sont redoutables. Je lui souris en penchant un peu la tête sur le côté, ce qui fait basculer mes cheveux qui ondoient au gré du vent, et une des bretelles de ma robe descend un peu sur mon épaule.

Cependant je sais qu’il ne faut pas que je m’éternise, j’aimerai m’éclipser le plus rapidement possible pour pouvoir accueillir les clients qui sont déjà arrivés. Monsieur le Marquis semblait satisfait de ma prestation la dernière fois, pour une nouvelle au Manoir, je crois que je me suis plutôt bien débrouillée. Espérons que je sois au niveau ce soir aussi !

J’ai bien fait de décliner mon identité, je crois que le jeune homme ne se serait pas contenté de ma réponse vague. D’ailleurs, il ne tarde pas à préciser qui il est et motive même sa présence sur les lieux, ce qui abrège la situation peu confortable dans laquelle j’étais. Fort heureusement, c’est un client, nouveau qui plus est, et non pas un maudit rabatteur ou un quelconque domestique. Moi qui croyais que c’était un homme assez froid et peu loquace, il développe et en dit même plus que ce que j’espérais.

Alors comme ça, c’était la première fois qu’il se rendait sur ces lieux. Cela me rassure, je me sens plus sur un pied d’égalité face à quelqu’un qui ne connait rien du Manoir. Je devenais l’hôtesse et lui le nouveau venu ignorant tout du fonctionnement de ce lieu de débauche. Au moins je ne me ferai ni réprimander ni punir. Sauf évidemment s’il lui venait à l’idée de me dénoncer aux Boldwin ou à un autre résident du Manoir quel qu’il soit. Je dois donc m’efforcer de rester courtoise et agréable pour rester dans ses bonnes grâces.

- Si vous saviez… Le plaisir et le vice troublent régulièrement le calme de ces lieux. Si c’est ce que vous cherchez, vous êtes à la bonne adresse, sinon, je vous conseille de faire demi-tour… dis-je en souriant malicieusement.

Je fus surprise par sa deuxième question. Habillée aussi légèrement est-ce que j’avais l’air d’une cliente moi ? En riant je lui répondis.

- Je ne suis pas cliente ici, non, loin de là, je suis ici pour satisfaire tous les plaisirs de ces messieurs.

Il est vrai que j’avais déjà entendu parler de clientes féminines, même si ce concept m’échappe encore. Il est très facile pour un peu près n’importe quelle femme de prendre des amants si bon lui semble, sans n’avoir rien à débourser. C’est d’ailleurs de cette manière que j’avais pu vivre pendant les derniers mois, depuis que je suis dans la capitale. Pourquoi une dame choisirait telle de se rendre dans une maison close ? Peut-être parce que cela pouvait offrir plus de discrétion qu’une relation suivie avec un amant. Peut-être pour assouvir des fantasmes inavouables. Ce qui est sûr, c’est que je ne crois pas qu’il me viendrait un jour à l’idée de recourir à de tels services.

Alors que je suis en train de lui répondre, le eau David passe la main dans les cheveux et commence à jouer avec quelques-unes de mes mèches. De façon assez inexplicable je l’avoue, je me sens bien à ses côtés et je n’ai plus tellement envie de rentrer dans le hall pour harponner mes prochains clients. Cependant, il ne faudrait pas que je m’attarde trop sinon l’on risque de remarquer mon absence. Et une retardataire dès sa première semaine, ça ne fait pas très bon genre. Par ailleurs, je n’ai pas reçu de règles très précises à ce sujet mais je ne suis pas certaine que mes patrons voient d’un bon œil le fait qu’une des filles bavarde dans le parc avec un client potentiel. Pourtant, je n’arrive pas à trouver l’envie ou le courage de lui fausser compagnie.

- Et pour quel genre de plaisir, ou quel genre de filles, un homme aussi bien de sa personne que vous David est-il venu se dévoyer ici ?

Je me garderai bien de lui préciser que j’étais nouvelle ici, et que j’étais une apprentie. En fonction de sa réponse, j’espère pouvoir l’aiguiller vers telle ou telle chambre sans trop me tromper, pour pouvoir à mon tour rejoindre le bâtiment principale et commencer mon ma nuit de travail. Mais une petite voix au fond de moi me dit que je n’ai pas vraiment envie d’abréger cette discussion. Je souris encore plus, et incline légèrement ma tête pour que ses doigts jouant avec mes cheveux viennent au contact de ma joue.

Je ne sais pas si cela vaut véritablement la peine que je le précise, mais la tournure qu'est entrain de prendre en ce moment ma petite visite au sein du Manoir des Délices n'était pas vraiment exactement ce que j'avais prévu en prenant la décision de me rendre en ce lieu de débauche. Mais ce n'est pas parce que les choses ne sont pas telles que ce que j'avais bien pu prévoir, du scénario que j'avais bien pu me créer dans ma tête qu'elles se trouvent être déplaisantes, bien au contraire. En effet, cette nouvelle façon de voir les événements qui s'annoncent, cette nouvelle possibilité d'appréhender les choses me donne en quelques sortes une toute nouvelle impulsion qui ne fait donc qu'augmenter la motivation qui était déjà la mienne à l'idée de laisser l'imprévu me guider et dans ce cas prévu guider à la fois ma soirée et ma nuit et ce même. Ceci dit, je sais dores et déjà que quoi qu'il puisse arriver je ne compte pas laisser filer cette jolie petite brune qui me fait face en ce moment et ce même si je ne connais pas encore la totalité des informations qui pourraient m'être utiles à son sujet afin d'être totalement certain d'agir avec elle en toute impunité, en laissant mes désirs guider mes pas.

Mais ces informations je ne devrais plus avoir à les attendre bien longtemps pour les obtenir puisque c'est dans ce sens que je viens tout juste de poser mes dernières questions à la jeune femme. Et d'ailleurs c'est relativement vite que j'obtiens la réponse à la première de mes interrogations, la belle venant me confirmer qu'elle n'est nullement l'une des clientes du manoir mais bel et bien l'une des jeunes femmes qui officient en ces lieux. Et bien entendu, même si je n'avais jamais exprimé clairement la chose auparavant, je ne peux cacher que le fait que cette réponse est précisément celle que j'attendais et espérait et qu'elle me convient donc parfaitement puisqu'au travers des quelques mots qu'elle vient tout juste de prononcer la belle vient en quelques sortes de me donner le feu vert pour l'aborder encore un peu plus et bien entendu aussi et surtout sous un angle qui sera à présent un peu différent qu'auparavant.

Et je vais d'ailleurs m'atteler sans tarder à cette tâche , le petit rapprochement dores et déjà opéré par l'intermédiaire de ma main dans les cheveux de la belle aidant déjà à la chose. Autre petit détail, non sans importance, à mes yeux du moins et ce d'autant plus qu'il est à mon avantage, la belle petite brunette ne semble elle aussi pas être totalement insensible que je sais être le mien ce qui n'est bien entendu pas fait pour me déplaire.
La jeune femme ne tarde d'ailleurs pas à reprendre la parole à mon intention alors que de mon côté je ne me suis toujours pas décidé à laisser sa charmante petite mèche de cheveux tranquille, afin de venir m'interroger sur ce que je suis venu chercher dans un lieu tel que le Manoir des Délices et plus particulièrement quel genre de fille ou de femme pourrais bien obtenir mon attention et mes faveurs au sein de ce lieu où règne la débauche. La belle serait-elle intéressée par le fait que je puisse devenir son client ce soir ? Je ne peux être certain qu'il est possible de répondre à cette question par la positive mais ce que je sais de source sûre c'est que de mon côté j'aimerais bien qu'elle soit celle que je paie pour découvrir à quel point les femmes de la capitale sont douées pour faire hurler de plaisir les hommes et ce d'autant plus lorsqu'il s'agit de connaisseurs et d'hommes exigeant comme je le suis moi-même. Pour ce qui est de la réponse concernant les désirs de la jeune femme je n'ai en fait pas tant de doutes que cela sur la question mais je m'en cache bien et quoi qu'il en soit je vais me faire un plaisir de lui donner sans plus attendre la réponse à la question qu'elle vient de me poser.

C'est donc tout en venant opérer un nouveau rapprochement, un nouveau contact avec la belle brune, ma mais venant à présent caresser la joue de celle-ci comme elle vient de me le faire comprendre en venant incliner quelques peu la tête. Mon geste est alors un savant mélange de douceur mais également de fermeté, voulant en quelques sortes montrer à la belle, sans toutefois prendre le risque de l'effrayer ou de la faire fuir, que j'ai dores et déjà décidé qu'elle serait mienne ce soir.

- Et bien je dois vous avouer charmante Roxanne que je suis venu ici sans le moindre préjugé sur quoi ou qui que se soit mais également sans le moindre plan quant à la façon dont je désire que les choses se déroulent. Je ne savais pas en poussant les portes de ce manoir quel genre de femme j'espérais bien pouvoir y croiser. Si je suis venu ici c'est surtout pour rompre avec mon quotidien et pour en découvrir un peu plus sur les moyens dont disposent les habitant de la capitale pour se divertir et se détendre.

Je marque une nouvelle petite pause, ma main s'étant arrêtée dans sa course durant un instant, venant s’immobiliser du côté du bas de la joue de la belle brune avant que l'un de mes doigts ne vienne caresser doucement et tendrement les charmantes lèvres de la jeune Roxane.

- Puisqu'en venant ici j'avais décidé de laisser le destin guider mes pas et qu'il semblerait que celui-ci m'est mené à vous charmante Roxane que diriez vous d'être celle qui me tienne compagnie pour la nuit, celle qui me montre que les choses que l'ont dit sur les filles de ce manoir son vraies ? Puisque le destin vous a mis sur ma route il serait criminel que de me laisser à présent sur ma fin, non ?

Mes doigts caressent toujours les lèvres de la belle, tandis que ma main libre est, quant à elle, venu se glisser dangereusement du côté du haut de la cuisse de la belle, ne laissant à présent plus vraiment de doutes quant à ce que sont mes désirs pour la suite mais aussi et surtout avec elle.

Je me demande toujours comment les hommes qui viennent dans cette maison close se comportent dans la vraie vie. David est-il père de famille, avec une petite femme qui l’attend bien sagement chez eux et deux ou trois enfants prêts à lui sauter dans les bras ? Je n’aime pas trop penser à ce genre de l’histoire. Pourtant ce n’est pas de ma faute si tous ces hommes ont besoin d’aventures dans les bras d’une belle amante. Qu’est-ce que j’y peux moi, s’ils trompent leur épouse ? Je veux simplement vivre à l’abri du besoin. Et il est vrai que j’aime sentir un homme à ma merci, entre mes cuisses.

En parlant de ça, le jeune David a l’air fortement intéressé maintenant qu’il sait que je fais partie des filles du Manoir et non pas aux quelques clientes qui viennent elles aussi trouver de plaisir et un peu de réconfort en ces lieux. Je frissonne lorsque ses doigts doux frôlent ma peau pour la première fois. Dans un mouvement souple, ils continuent leur chemin pour venir me caresser la joue. Décidemment, il me plait ce beau jeune homme. De toute façon, étant donné mon rang de fille de joie je n’ai pas vraiment le droit au chapitre. En tant qu’apprentie, tout en bs de l’échelle des catins, je n’ai qu’une seule chose à faire : me taire et obéir. Même si c’est un ivrogne n’ayant pas fait une toilette depuis un demi-siècle, je dois ouvrir les cuisses sans rechigner. Pourtant, j’ai toujours eu du mal avec les ordres. Je suis comme les juments sauvages, je déteste qu’on me dise ce que je dois faire. Mais il y a des fois où je dois un peu forcer ma nature.

D’après ce que je comprends, David qui me dévore déjà des yeux aurait bien envie de me croquer là, ici, sur ce banc. Sa main qui froisse l’étoffe sur ma cuisse en est témoin. Le doigt qu’il passe sur mes lèvres aussi. La brise qui souffle dans le parc en ce début de soirée n’arrange pas les choses, il ne fait que donner du mouvement à mes cheveux me rendant encore plus désirable, et fait voleter ma robe légère.

Doucement, je rapproche encore un peu mon visage du sien, jusqu’à que mes lèvres douces et chaudes effleurent les siennes. Je fais mine de vouloir l’embrasser, mais je me retire au dernier moment, un sourire malicieux au coin des lèvres.

« Je serai honorée de passer une nuit avec vous, beau David. Mais avant vous devrez vous acquittez de 12 écus, comme ça nous pourrions passer quelques heures délicieuses à ne se soucier de rien d’autre que de vous et moi… »

Je ne trouve pas ça vraiment excitant de parler de ça avant un moment de sensualité, mais je n’ai pas trop le choix. Si je fais ce métier, c’est certes parce que je suis portée sur les désirs charnels, mais surtout pour assurer ma subsistance. En l’occurrence, mon salaire est intégralement reversé aux Boldwin, mais si je me comporte bien, je monterai en grade et ce ne sera plus le cas.

Je suis partie de la tranche de prix la plus élevé, parce que je vois bien que David n’est pas un manant. Sa façon de parler, ses habits, ses manières, tout chez lui laisse à croire qu’il appartient à la petite noblesse. J’espère qu’il ne sera pas rebuté par le prix que je viens de lui annoncer. Enfin, il aurait encore plus allégé sa bourse s’il avait voulu s’acoquiner avec une Délicieuse. Il ne le savait pas – il ne m’avait pas posé la question – mais je ne suis qu’apprentie.

Mais soudain, je reprends pied avec la réalité. Nous sommes au fond du parc, alors que je devrait être dans le salon d’accueil. Je trouvais ça particulièrement excitant de devoir honorer mon client ici, au beau milieu de ce petit coin de verdure sauvage, mais je ne suis pas sûre d’en avoir le droit, ce ‘est pas un lieu conventionnel. En même temps, j’aime bien son côté entreprenant, dominateur. S’il me voulait là et maintenant, je ne suis pas certaine que je trouverai la force de lui résister.

« Mais je ne suis pas sûre que nous ayons le droit de faire ça ici… » soufflai-je , une lueur un peu inquiète dans le regard. Je ne voulais pas être prises en faute par mes nouveaux patrons.