Le Manoir des Délices
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 Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]

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Ninon Saint Georges

Ninon Saint Georges

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Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]  _
MessageSujet: Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]    Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]  EmptyMer 30 Avr - 15:26

Il y a déjà quelques temps….


Si je n’avais si mal, je me serais mise à courir, aussi vite que mes jambes me le permettaient. Si je n’étais si frêle, j’aurais pu me trainer dans le couloir si long, dans cet escalier froid. J’aurais pu m’agripper à la rampe pour monter, j’aurais pu tenter de passer entre les lits de mes compagnes d’infortune et me cacher sous ma couverture pour y pleurer en silence.

Tout ce cheminement que je connaissais  par cœur pour l’avoir fait si souvent, cette fois ci me semblait impossible à surmonter.

Jusqu’à la porte de leur chambre, jusqu’à l’ouvrir et la refermer derrière moi, j’avais tout supporté en serrant les poings. Seules mes larmes m’avaient trahi, des larmes de douleur et de honte d’avoir été ainsi utilisée. Mon corps n’était plus que douleur, mon cœur avait explosé si souvent que je ne savais plus où se situait chacun des morceaux éparpillés. Jamais je ne pourrais le reconstruire entièrement, trop de petits débris étaient restés collés sur les draps fins. Au plafond j’ai porté mon regard comme pour implorer le ciel que tout mon corps explose enfin, qu’il ne soit pas obligé de rester allongé sur ce lit, les bras en croix pendant qu’elle s’acharnait sur moi.

Je ne l’ai pas supplié d’arrêter, rien n’aurait pu lui faire plus plaisir que d’arriver à mes limites, de me sentir prête à succomber. Elle est devenue si experte à me faire souffrir qu’elle en est devenue cruelle, m’obligeant à réclamer ses caresses pour ensuite me contraindre lorsque ses ongles habiles s’incrustaient dans ma peau et la déchiraient jusqu’à la faire saigner.

Ces rainures faites à même ma peau recouvraient ma honte et mon humiliation. Mes seins n’étaient plus que des volcans de lave, elle me les avait serré si fort entre ses mains, que je m’étais demandée si elles ne me les avaient pas arrachés. Mais non ils étaient bien là, juste au dessus d’un cœur meurtri, juste au dessous de ma chemise de nuit qui me crucifiait à chaque mouvement trop brusque.

Ma seule envie à cet instant était de me trainer dans un coin sombre et d’enlever cette camisole qu’elle m’a forcée à revêtir alors que tout mon corps était déjà contraint. Pouvoir au moins respirer sans sentir la soie se coller à ma peau et s’attraper dans mes plaies ouvertes.

Le pire se fut d’entendre son rire derrière la porte, le pire était de la savoir allongée sur ce lit qui avait été ma prison, assouvie et heureuse, heureuse de m’avoir torturée.

Mes mains cherchaient le mur devant moi, pour s’y appuyer, cherchant une aspérité pour s’y cacher, loin de ma tante, loin d’Amélia, loin de cette femme qui se jouait de moi, comme une poupée défraichie que l’on n’a plus peur d’abimer tellement ses bras sont tordus, tellement sa peau si fine s’est craquelée.

J’aurais voulu pleurer, aider mon corps à se vider de toute vie, et m’écrouler quelque part où elle ne pourrait plus m’atteindre. Mais je savais que mon corps se reconstruirait, que les marques infamantes s’atténueraient. Les fibres de ma peau se tisseront à nouveau pour ne laisser que de fines ridules qui disparaitront à leur tour. Je savais qu’alors elle m’intimerait l’ordre de la rejoindre dans sa chambre, et qu’elle aurait les mêmes pulsions sadiques qui me transforment en victime et elle en bourreau.

Chaque fois est pire que la précédente, son imagination est illimitée, ma résistance passe les limites de l’acceptable. Au début elle ne faisait que me travailler les seins, maintenant ce sont ses ongles qui me transpercent de part en part, bientôt d’autres outils l’aideront à me découper en morceaux. Un jour elle m’a montré un couteau et fait jouer sa lame sur ma peau, un jour elle l’utilisera et ce ne sera pas pire que maintenant.

D’autres savaient-il quel âme noire se cachait dans ce corps si parfait, d’autres savaient-ils combien elle pouvait être cruelle, et aimer faire souffrir. Derrière son sourire enjôleur, derrière sa voix de sirène, se cachait le désir de me traiter comme une esclave dont la vie ne vaut rien, dont seul le corps est à prendre et à reprendre jusqu’à ce qu’il soit trop usé et que le désintérêt vienne enfin terminer mon calvaire.

Une porte s’ouvrit sous mes ongles, je ne savais plus combien de mètres j’avais parcouru dans le noir, ce réduit de quelques mètres carrés serait ma cache pour la nuit et toute la journée du lendemain. Lorsque la faim viendrait me réveiller, je chercherais un peu d’eau pour me déshydrater, et j’attendrais encore la nuit pour enfin me décider à utiliser l’obscurité pour sortir à pas de loup et rejoindre la salle de bain pour me couler dans l’eau froide et glacée.

Je cacherai ma douleur à toutes, même à Dawn. Je cacherai ma honte derrière un regard vide et un sourire posé sur mes lèvres. Je me regarderai une dernière fois dans la glace, passerai un habit qui cachera le plus possible les marques qui me brulent encore et j’irai rejoindre l’accueil pour qu’un autre m’emporte sous les draps et m’oblige à me soumettre à toutes ses envies.

Mais là, je n’avais d’autre choix, d’autres solutions, que de m’écrouler sur le sol. De mon pied je cherchais à repousser la porte pour me cacher aux yeux des autres. Je n’avais pas besoin de spectateur pour me vider de mes larmes, pas besoin de pitié ni même de compassion. Je voulais juste être oubliée, que personne ne me cherche, que personne ne me trouve.

Mes yeux ouverts n’arrivaient pas à s’apaiser, je scrutais l’obscurité à la recherche d’un danger, chaque bruit dans le couloir me faisait me recroqueviller un peu plus sur moi. La porte restait close et bientôt des étagères de dessinèrent tout autour de moi. Je devais être dans la buanderie. Sur les planches de bois une pile de draps et de serviettes constituaient le stock du manoir. Je reniflais l’humidité, ma gorge sèche s’en abreuvait, de mémoire je me rappelais qu’un robinet devait couler aux gouttes à gouttes quelque part à droite.

J’ai cherché à me déplacer sans plus avoir de courage pour y arriver. Seul mon bras tendu cherchait à agripper quelque chose qui m’aiderait à me trainer un peu plus loin, près de cette source inattendue qui pourrait laver ma peau, tarir mes larmes, irriguer ma bouche.

Mais la lumière jaillit soudain. Une lanterne jaunie venait d’éclairer le réduit. Tremblant de tous mes membres, dans un reflexe animal, je glissais sur le sol apeurée, les jambes et mes bras repliés pour entourer mon corps et cacher mon visage.

Le halo de la lampe fouillait l’obscurité, attiré par un bruit anormal, celui de ma respiration haletante que je n’arrivais pas à contrôler. Mes nerfs lâchaient, j’allais crier, de terreur et de douleur, supplier de me laisser tranquille, de ne pas me regarder. Le halo se posa sur moi, je devais avoir l’air d’un animal blessé, les pupilles agrandies par l’effroi et le passage trop brutal de l’obscurité à la clarté. Je restais là hagarde, incapable de savoir qui était entrée, aveuglée comme j’étais par mes larmes et la lumière posée sur moi.
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MessageSujet: Re: Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]    Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]  EmptyVen 2 Mai - 11:18

L'âme humaine a ses mystères, ses contradictions qu'il n'est pas toujours aisé de sonder. La vie dans la bonne société illustre parfaitement ce propos. L’Homme se révèle parfois être un véritable loup pour son frère, n'hésitant pas à le lacérer pour mieux parvenir à ses fins. Amélia m'a dit quelques fois que j'avais le cœur trop tendre. Je lui envie sa force de caractère quand à moi il arrivait de détourner le regard et de me dérober au lieu d'affronter celui ou celle qui voulait me tourmenter. J'ai cessé de compter les fois où elle savourait la vengeance à ma place après l'avoir mise en œuvre, douce sensation que de mettre à terre quelqu'un qui voulait vous voir ramper. Douce ? Du moins pour elle car je n'ai jamais eu pour ma part le goût de la revanche, elle m'a toujours semblé bien amère, comme si elle révélait la noirceur de mon être que j'aurais préféré ignorer. Mon amie aimait au contraire je crois flirter avec sa part d'ombre, elle l'assumait fort bien. De mon côté je me contentais d'être soulagée à l'idée que le malheureux ne viendrait plus me chercher querelle, en essayant de faire abstraction de la petite pointe de culpabilité que je ressentais malgré tout. Il faut dire que la vengeance n'était pas toujours proportionnelle à la faute commise.

J'aime Amélia comme une sœur, je crois même que ce lien-là est plus fort que celui de mon propre sang. Il est tant d'épreuves que nous avons traversé ensemble, avant que son époux ne l'emporte loin de moi. Je suis arrivée au Manoir la veille, même si nous ne nous sommes vues que brièvement elle et moi, j'ai constaté qu'elle avait un peu changé. J'ignore jusqu'à quel point. Je suppose que j'ai évolué moi aussi, la vie nous forge après tout. Et c'est prise dans mes souvenirs et mes questionnements que je me dirige vers ses appartements. Tandis que je remonte le couloir, j’aperçois une frêle jeune femme qui se traîne dans l'autre direction. A sa démarche, je devine qu'elle doit être souffrante. Elle me tourne le dos et s'éloigne tant bien que mal. Je me suis figée à cette vue. Quand enfin je reprends mes esprits et que je presse le pas pour la retrouver, la voix de mon amie m’interpelle. En franchissant le seuil de sa porte, je lutte contre l'envie de lui demander ce qui est arrivé à cette pauvre petite. L'intuition me dicte de me taire. Nous échangeons quelques banalités, prenons le thé ensemble. Et sans cesse l'image de cette silhouette vient me hanter l'esprit, tant et si bien que lorsque la maîtresse des lieux met fin à nos échanges, je ne peux m'empêcher de demander qui est cette inconnue et ce qui lui est arrivé. Sa réponse me glace même si elle l'adoucit de ses sourires dont elle seule à le secret.

Une fois ses appartements quittés, je m'appuie sur le bord de la fenêtre la plus proche. Mon regard clair balaie les jardins. J'essaie de trouver la meilleure chose à faire, bien sûr ce n'est pas me mêler des affaires d'Amélia, je le sais. Je ne peux pas me résoudre à poursuivre cette journée en ignorant comment va cette nièce qui, m'a-t-elle dit, méritait d'être corrigée. J'ignore bien sûr en quoi sa conduite a contrariée ma sœur de cœur, j'ai préféré ne pas le demander. Aussi je finis par m'enquérir auprès du personnel de son état, constatant rapidement que personne ne semble à même de me répondre à ce sujet. Le soir est tombé, c'est donc à la bougie que j'arpente les couloirs, les escaliers en essayant de deviner où la disparue a bien pu trouver refuge. Elle n'était pas dans sa chambre en tous cas. Je n'ose trop me risquer à ouvrir les portes closes pour vérifier si elle se trouve de l'autre côté. Quand je suis sur le point de me décourager et de regagner ma propre chambre, un souffle, presque un murmure plaintif saisit mon attention. Je m'immobilise, retenant ma respiration pour mieux tendre l'oreille. Je pousse la porte entrebâillée, mon cœur accélère ses battements redoutant sans doute ce que je vais bien pouvoir découvrir en perçant l'obscurité de cette pièce. Qui n'a pas peur du noir et de ce qui s'y cache ? Je ne me montre pas toujours très courageuse, je suppose. A la lueur de la flamme dansante, je devine la jeune femme prostrée là. Je marque une hésitation, pourtant je ne suis pas venue ici ni ne l'ai cherché pour faire demi-tour maintenant que j'y suis confrontée. Si j'étais sage et avisée je la confierais à quelqu'un, néanmoins je ne connais personne ici et surtout je m'inquiète. Pourquoi je me soucie d'une simple inconnue ? Parce que j'ai le cœur trop tendre comme l'a dit souvent mon amie.

Alors doucement je franchis la distance me séparant de la petite chose meurtrie qui s'est sûrement traînée jusque là. Il y a cet instinct qui se réveille au creux de mon ventre quand je lis la terreur dans ses yeux, ce besoin de la protéger, cette envie de la consoler.  Tout comme lorsque l'on croise un animal sauvage et blessé sur sa route, un petit être fragile qu'on craint de voir périr si l'on tourne les talons pour s'en éloigner. Et on ignore s'il va mordre la main qu'on tendra pour le soigner bien qu'on le fasse quand même. Oui, je tends la main doucement, presque tremblante pour caresser sa joue, un geste irréfléchi je l'admets qui se veut seulement apaisant. Les traits de son visage sont si fermés que je souffre avec elle. Je prends ma voix la plus douce, chuchotant dans le silence et les ténèbres de l'endroit.

« Voulez-vous que je fasse appeler quelqu'un ? Souffrez-vous beaucoup ?

Les questions me semblent bien malhabiles. Que pourrais-je lui dire d'autre ? Nous sommes deux inconnues rassemblées là par la force des choses. Je ne sais même pas si elle voudra de mon aide, surtout si elle apprend qui je suis.

- Vous seriez installée plus confortablement dans mes appartements ou dans votre chambre. Désirez-vous que je fasse venir un médecin ?
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Ninon Saint Georges

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Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]  _
MessageSujet: Re: Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]    Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]  EmptyLun 26 Mai - 18:29

J'étais déjà recroquevillée, accolée contre le mur, je n'avais plus d'autres solutions que d'affronter celui ou celle qui venait de s'introduire dans ma cachette. Je n'avais plus de larmes pour pleurer, plus assez de bras pour m'entourer, aucune couverture pour me couvrir, que mes yeux à fermer pour au moins ne plus voir ce qui venait.

J'avais beau les implorer, mes yeux ne se décidaient pas à choisir entre deux maux : affronter le danger ou le nier jusqu'à ce qu'il me submerge et termine sa tâche. J'étais prête à mourir, je fondais même mes espoirs sur une fin prochaine. Même si j'avais escompté une mort plus glorieuse, celle ci finalement me convenait. Elle avait l'avantage de m'enlever à ce destin que je ne pouvais plus espérer meilleur. Et cet instant où mes plaies me torturaient étaient si proche de l'enfer, que de faire un pas de plus me semblait plus simple que de revenir parmi les vivants.

Dans une danse macabre, mes paupières se fermaient pour se réouvrir aussitôt, cherchant un espoir impossible, comme une flamme qui s'éteint et ne sait pas encore qu'elle use ses dernières forces et accélère sa perte. Je finis par distinguer un visage inconnu et pourtant étrangement familier.

Sa voix fut la première à passer la carapace de peur que je m'étais forgée. Une voix prévenante que je ne reconnus pas. Heureusement car si tel avait été le cas j'aurais glissé aussitôt sur le sol pour chercher un autre trou où me loger, loin de celle qui avait un seul défaut , le pire d'entre tous, être l'amie de ma pire ennemie.

Une main, une caresse, un espoir, l'impression de suffoquer, j'avais tant de larmes dans la gorge pour m'empêcher de respirer. Je me noyais et ma seule bouée était cette paume ouverte sur ma joue, qui ne cherchait pas à me blesser, seulement à soutenir un corps épuisé par l'attente du repos.  

Je ne cherchais plus à savoir qui était là près de moi, je ne voulais plus que m'effondrer dans ce réduit qui me servirait de tombeau, avec l'image d'un ange m'emportant loin d'ici. Mais ses paroles me tirèrent de mes rêves de paix éternelle, elles me rappelèrent la misérable existence que je menais, que le dortoir était mon antre, que le docteur me remettrait sur pied, que je n'arriverais plus à mourir.

Ce furent des larmes silencieuses qui finirent par arrêter mes sanglots, je n'avais plus la force de me battre, même plus la force de résister à cet appel des vivants. Je me vidais de toute la peur que j'avais emmagasinée, peur de la mort, oui de la mort, de cette mort que je voulais pourtant. Peur de la vie, oui encore plus de vivre, et pourtant si habituée à cette situation que finalement elle me faisait moins peur que l'inconnu.

Je ne fis que secouer la tête, très faiblement, en espérant que la main ne me quitterait pas, que ce geste ne la ferait pas fuir, cette apparition que je voulais finalement garder près de moi. Si ce soir je devais mourir j'aimerais que ce soit elle qui me tienne la main, et me guide pour faire ces derniers pas, finalement si compliqués, car ils seraient les derniers...

Je la regardais avec un tel espoir dans les yeux, l'espoir qu'elle arrive à me guérir de mes blessures en m'emportant loin, là où aucune douleur n'existe...

Je la regardais mais ne pus sourire, mes lèvres étaient figées, comme mon coeur l'était.

"Non..." fut le seul mot qui passa mes lèvres. Un seul refus, pour annoncer que non je ne quitterais pas ce lieu qui était mien, car je l'avais choisi comme ma demeure.
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MessageSujet: Re: Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]    Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]  EmptyJeu 5 Juin - 11:16

La petite créature aux allures de femme ne m'a pas mordu. Elle continue de me fixer de ses grands yeux terrifiés. Je pourrais presque lire les meurtrissures dans son âme même rien qu'à la lueur faible de ma flamme. Je me demande si elle redoute que je la blesse moi aussi. « Non », voilà tout ce que j'obtiens en guise de réponse à mes interrogations idiotes. Je ne peux l'en blâmer, je crois que je me serais répondue non moi aussi si j'avais été à sa place tourmentée, souffrante et face à une inconnue incapable de formuler autre chose que des questions absurdes. Non... Oui mais non à quoi ? A tout je suppose, non elle ne veut pas que je la conduise dans ma chambre où je pourrais tenter de la soigner. Non, elle ne veut pas qu'un docteur vienne l'examiner en posant ses mains partout sur ses blessures. Soit, alors je resterai ici aussi jusqu'à ce qu'elle se décide à quitter cette pièce qui, à mon humble avis, n'a rien d'un refuge agréable. Ma résolution prise, je scrute ce qui m'entoure pour trouver un endroit où poser ma bougie. Puis un peu à tâtons, je me laisse descendre vers le sol près d'elle. Je me mure avec ma nouvelle compagne dans son silence. Je ne vois pas que dire pour apaiser ses maux dont je ne sais rien. Les marques qu'elle arbore parlent pour elle, mais je suis bien placée pour savoir que les pires douleurs n'ont rien de physiques. Même si je suis douillette et par trop sensible à la souffrance, je préférerais mille fois recevoir des coups de bâton que de sentir mon cœur une fois de plus se briser, que de vivre avec l'amertume de mes souvenirs et de mes fautes.

Nous demeurons ainsi, elle prostrée dans sa peur et sa douleur, moi demeurée de l'autre côté d'un mur invisible. Elle tolère au moins ma présence, ce n'est pas si mal. Je ne me sens pas de forcer ses confidences, elle a été assez malmenée pour la journée voir pour la vie. Je ne peux donc qu’espérer que ma présence soit un petit réconfort à ses yeux. A moins qu'au contraire je ne l'indispose ? Je ne me sens pas de l'abandonner à son sort ici en regagnant le confort égoïste de mes appartements. La paume de ma main vient recouvrir en douceur le dos de la sienne, un gage de soutien aussi silencieux que nous le sommes toutes deux. Je voudrais qu'elle sente que je suis là, que je ne souhaite pas la blesser, ni la forcer. J'aimerais gagner au moins un peu sa confiance pour qu'elle crée une ouverture dans ce mur qui nous sépare encore. En aura-t-elle le désir ? Rien n'est moins sûr. Il me semble que les peines de ce monde sont bien moins difficiles à porter à deux, comme n'importe lequel de nos fardeaux. Seuls nos deux souffles meublent la semi-obscurité qui nous entoure. Le sien est encore un peu saccadé mais je crois qu'il se calme peu à peu, peut-être parce que j'ai envie de le croire. Mes pensées divaguent d'elle à moi, de ses souffrances inconnues aux miennes dont j'ai bien trop fait le tour à force d'être prostrée face à moi-même. Est-ce pour cela que je lui impose ma présence ? Parce qu'à sa place j'aurais aimé avoir quelqu'un pour me tenir la main et me murmurer des paroles réconfortantes ? Probablement... Et qu'est ce qui pourrait bien la consoler un peu ? Je n'en ai pas la moindre idée. La seule chose qui me vient est celle qui à moi fait du bien : la poésie. Quelques vers me reviennent et je les énonce à voix basse comme si je cherchais à ce qu'elle seule puisse les entendre.

- Si je pouvais trouver un éternel sourire,
Voile innocent d'un cœur qui s'ouvre et se déchire,
Je l'étendrais toujours sur mes pleurs mal cachés
Et qui tombent souvent par leur poids épanchés.

Renfermée à jamais dans mon âme abattue,
Je dirais : " Ce n'est rien " à tout ce qui me tue ;
Et mon front orageux, sans nuage et sans pli,
Du calme enfant qui dort peindrait l'heureux oubli.

Dieu n'a pas fait pour nous ce mensonge adorable,
Le sourire défaille à la plaie incurable :
Cette grâce mêlée à la coupe de fiel,
Dieu mourant l'épuisa pour l'emporter au ciel.

Adieu, sourire ! Adieu jusque dans l'autre vie,
Si l'âme, du passé n'y peut être suivie !
Mais si de la mémoire on ne doit pas guérir,
À quoi sert, ô mon âme, à quoi sert de mourir ?


Je laisse les mots flotter un instant au beau milieu du silence retombé. Je n'ai certainement pas choisi les vers les plus gais. Pourtant lorsque je suis triste, seule la mélancolie profonde finit par exorciser la mienne pour un temps. Comme si me laisser aller tout mon saoul au chagrin, l'autoriser à sortir de moi plutôt que le garder prisonnier en dedans parvenait à me calmer jusqu'à la prochaine fois.

-J'admire les poètes et leur faculté à trouver les mots justes. Il existe tant de souffrances en ce monde mademoiselle. Il n'est rien de pire que devoir les porter seule.

J'ignore si mes mots maladroits une fois de plus trouveront écho en elle. Je suis prête à demeurer ici toute la nuit si pour finir elle s'ouvre un peu à moi et me laisse l'aider, peu importe la manière. Il semble qu'elle en ait grand besoin.
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Ninon Saint Georges

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MessageSujet: Re: Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]    Peur de tout sauf de la nuit [PV Juliet Abbott]  EmptyMar 5 Aoû - 13:30

Je restais perdue dans ma solitude, refusant de me redresser, tout en la laissant s’approcher. Je n’avais pas de trou plus reculé pour me terrer, pas de solutions pour me cacher.

Dans la nuit j’avais rampé, sur le sol je m’étais glissée, derrière mes pleurs je m’étais terrée, et elle avait tout traversé pour venir me trouver.

Comment aurais je pu penser pouvoir lui échapper alors qu’elle m’avait débusquée sans autre piste que la trace de mes pleurs.

Etait-ce celle que j’attendais ?

Cette fée qui me conduirait dans cet ailleurs que je redoutais.

Je ne discernais d’elle que des yeux brillants de sollicitude, que des mains blanches éclairées par un faible halo de lumière. De la nuit opaque ne se détachait qu’une ombre grise et pourtant tout était baigné d’une chaleur rassurante.

Dans la pénombre, une petite flamme dansait devant mes yeux, émanant de la bougie que je regardais pendant que j’écoutais. Posée au sol, cette petite flamme de vie s’échappait lentement pour éclairer ce réduit et faire briller mes yeux.

Les larmes cessèrent, taries par ce feu trop vif, ou bien par mon cœur devenu aride.

Avez-vous jamais pris le temps de regarder danser une flamme. Avez-vous pu une seule fois vous poser dans le noir total et compter sur le simple halo jaunâtre pour vous guider vers la lumière.

Dans ce réduit sombre et silencieux, la nuit devint ombre, et sa main trouva la mienne.

Elle me berça de sa voix, la musique des vers suffisant à égayer les tristes consonnes. J’écoutais sans l’interrompre, buvant des mots incompris, y lisant un espoir qui n’existait que dans mon cœur abimé.

Lorsque le dernier vers mourut sur ses lèvres, je remuais légèrement comme pour abandonner cette position inconfortable de l’animal traqué. Nos mains se quittèrent quelques secondes et mon sang se retira de mes membres engourdis. Dans un geste instinctif, mes doigts fébrilement recherchèrent dans la pénombre des doigts amis, une main attentive, un appui bienvenu. Je cherchais la chaleur, un signe de vie, pour garder une seconde encore dans ma main, cette main charitable.


Des sanglots.

Qui montaient.

Ejectés de mon corps.

Un torrent plus fort que le vent.

Qui criait ma douleur, mon incompréhension.

Je ne voulais plus être seule, plus jamais, plus comme ça.

Sa main je gardais dans les miennes, l’étreignant rageusement, incapable de m’en arracher.


Une issue.

Une porte.

La branche d’un arbre.

Une corde à tenir.

Un rocher où s’accrocher.

Des larmes à donner.

D’un élan imprévu, je m’écrasais sur son cœur, trempant sa gorge dévoilée, asséchant mes pleurs sur ses cheveux. Je l’agrippais comme un naufragé trouve un débris dans la mer pour s’y accrocher, redoublant de douleur, sans retenue possible.

Mes mains l’enlaçaient, mes bras la nouaient, mon corps tout entier voulait l’épouser. Mon coeur craquelait, tandis que ma voix enfin se libérait de l’étau qui la maintenait au fond de ma gorge.

- J’ai peur !

Je criais à travers mes larmes, je criais de douleur, d’un chagrin si profond que j’avais l’impression que le calme plus jamais ne pourrait me trouver.

Je tremblais, convulsée, tout en continuant à égrainer un chapelet de mots désordonnés et incompréhensibles. Quelques mots prononcés plus violemment que les autres surnageaient pour frapper la falaise indestructible que je ne pouvais combattre.

- Amélia … veut … Maman…

Les sanglots m’étranglaient, et je pleurais encore, secouée par la peur, peur que tout recommence à nouveau. Encore et encore, sans jamais s’arrêter.
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